lundi 4 juillet 2011

Futur en Seine : à quoi ressemblera le livre demain?

Le titre de la conférence organisée le 26 juin dernier dans le cadre de Futur en Seine était ambitieux : à quoi ressemblera le livre demain ?

Aucun intervenant n’a pu répondre à la question de départ, et je me garderais bien de le faire ! En 1999, je faisais partie des consultants qui prophétisaient le succès du Wap dans les 2-3 années à venir … marché qui n’a vraiment décollé que dix en plus tard avec l’arrivée de l’iPhone … que personne n’avait anticipé!

C’est bien ce qui fait l’intérêt des nouvelles technologies, leur caractère imprédictible, même si  une des constantes, finalement, c’est que la conjonction d’une expérience client adaptée et d’un prix acceptable peut faire décoller un marché s'il est mûr pour une rupture technologique. L’arrivée d’Amazon sur le marché français sera donc à suivre de très près !

De la conférence, je retiendrais 4 tendances majeures, en filigrane des interventions.

Le livre numérique, c’est :
  1. Un potentiel pour de nouveaux types de tarification comme l’abonnement
  2. Les réseaux sociaux comme 1er moteur de recommendation
  3. L’opportunité de créer de nouveaux formats d’écriture
  4. Un business model qui reste encore flou
1. Livre numérique : un potentiel pour de nouveaux types de tarification comme l’abonnement

Alain Garnier de Jamespot a brillamment résumé la rupture sociétale que nous vivons actuellement dans un slide qui m’a fait beaucoup rire :
Les jeux structurent notre façon de penser:
-         Les digital natives nés avec world of warcraft ne sont pas dans l’objet mais dans l’expérience vécue.
-        Les non digitaux qui ont appris à jouer avec des briques de Lego sont dans une logique de construction et d’accumulation.

On est dans le vivre versus le faire, l’expérience de la lecture versus l’avoir de la lecture.

Les logiques d’abonnement, comme celle de Deezer dans le domaine de la musique ou de Netflix dans celui de la vidéo, vont donc certainement se développer sur le livre numérique.

Pierre Mounier du CLEO  arrivait à la même conclusion dans son intervention mais avec un autre angle d’analyse, celui d’un économiste : avant même l’avènement du numérique, le capitalisme a basculé de l'univers des biens de consommation à celui des services. Les acteurs qui tirent leur épingle du jeu sont ceux qui ont su se positionner à l’intersection des deux, avec un objet couplé à un système de vente en ligne : Ipad + ibooks / itunes;  Kindle + amazon ; Nook + Barnes & Nobles;  Google+ ? (le web?)


2. Livre numérique: de l’importance des réseaux sociaux

Alain Garnier est revenu sur le succès de Facebook : il y a eu un formidable « transfert d’attention sur ce média » qui joue sur une contradiction fondamentale de l’individu entre le désir de partage, de synchronicité avec le maximum de personnes et le désir d’exception, d'unicité.

La socialisation autour de la lecture et de l’écriture n’est pas un phénomène nouveau, mais le référent (légitime dans la recommandation) s'est déplacé vers l’individu et la lecture sociale prend de l’ampleur :  goodreaders, babelio, socialbooks, Copia, çajadore !

Pour les auteurs, c'est évidemment une opportunité de remettre en cause la chaine de valeur traditionnelle du livre.

3. Livre numérique: de l’opportunité de créer de nouveaux formats d’écriture

Nicolas Francannet  a présenté sa société Storylab qui innove de manière très intéressante sur le marché du livre numérique…  
Storylab produit des formats courts adaptés à des temps de lecture fractionnés:
è    Des séries littéraires (d’environ ¼ d’heure de lecture), des nouvelles, des novellas.
è    Des  formats à petits prix : la collection oneshot propose des titres à 0,99cts, soit 45 minutes de lecture. Le dernier titre en date est depuis 2 semaines en tête des ventes de l’ibookstore.
è    Des livres enrichis avec une interview vidéo de l’auteur, un extrait audio book lu par l’auteur, un volet communautaire,…
Storylab innove également avec son  ‘Laboratoire’. Dans le cadre de Paris en toutes lettres, une vingtaine de photos prises depuis un téléphone mobile ont été proposées à des auteurs qui ont écrit des micro-fictions (Collection Pickpocket). Ces photos ont fait l'objet d'une exposition au cours de laquelle les livres étaient téléchargeables sous format e-pub via des flashcodes. L'opération a été financée par la Fondation Lagardère et la Mairie de Paris.

Storylab propose une rémunération de 30% à ses auteurs. Créée il y a 18 mois, la société n'est pas encore rentable...

4. Un business model encore flou

Pierre Mounier du CLEO a tenté de répondre à la question du business model du livre numérique. Son intervention était passionnante, argumentée et pleine d’humour, mais je reste plus que circonspecte sur les modèles de financement amont d’un marché et le fait de considérer le subventionnement comme un business model. Mais pour les éditeurs 100% numérique, vu l'état du marché, c'est malheureusement le seul levier pour l'instant...