lundi 4 juillet 2011

Futur en Seine : à quoi ressemblera le livre demain?

Le titre de la conférence organisée le 26 juin dernier dans le cadre de Futur en Seine était ambitieux : à quoi ressemblera le livre demain ?

Aucun intervenant n’a pu répondre à la question de départ, et je me garderais bien de le faire ! En 1999, je faisais partie des consultants qui prophétisaient le succès du Wap dans les 2-3 années à venir … marché qui n’a vraiment décollé que dix en plus tard avec l’arrivée de l’iPhone … que personne n’avait anticipé!

C’est bien ce qui fait l’intérêt des nouvelles technologies, leur caractère imprédictible, même si  une des constantes, finalement, c’est que la conjonction d’une expérience client adaptée et d’un prix acceptable peut faire décoller un marché s'il est mûr pour une rupture technologique. L’arrivée d’Amazon sur le marché français sera donc à suivre de très près !

De la conférence, je retiendrais 4 tendances majeures, en filigrane des interventions.

Le livre numérique, c’est :
  1. Un potentiel pour de nouveaux types de tarification comme l’abonnement
  2. Les réseaux sociaux comme 1er moteur de recommendation
  3. L’opportunité de créer de nouveaux formats d’écriture
  4. Un business model qui reste encore flou
1. Livre numérique : un potentiel pour de nouveaux types de tarification comme l’abonnement

Alain Garnier de Jamespot a brillamment résumé la rupture sociétale que nous vivons actuellement dans un slide qui m’a fait beaucoup rire :
Les jeux structurent notre façon de penser:
-         Les digital natives nés avec world of warcraft ne sont pas dans l’objet mais dans l’expérience vécue.
-        Les non digitaux qui ont appris à jouer avec des briques de Lego sont dans une logique de construction et d’accumulation.

On est dans le vivre versus le faire, l’expérience de la lecture versus l’avoir de la lecture.

Les logiques d’abonnement, comme celle de Deezer dans le domaine de la musique ou de Netflix dans celui de la vidéo, vont donc certainement se développer sur le livre numérique.

Pierre Mounier du CLEO  arrivait à la même conclusion dans son intervention mais avec un autre angle d’analyse, celui d’un économiste : avant même l’avènement du numérique, le capitalisme a basculé de l'univers des biens de consommation à celui des services. Les acteurs qui tirent leur épingle du jeu sont ceux qui ont su se positionner à l’intersection des deux, avec un objet couplé à un système de vente en ligne : Ipad + ibooks / itunes;  Kindle + amazon ; Nook + Barnes & Nobles;  Google+ ? (le web?)


2. Livre numérique: de l’importance des réseaux sociaux

Alain Garnier est revenu sur le succès de Facebook : il y a eu un formidable « transfert d’attention sur ce média » qui joue sur une contradiction fondamentale de l’individu entre le désir de partage, de synchronicité avec le maximum de personnes et le désir d’exception, d'unicité.

La socialisation autour de la lecture et de l’écriture n’est pas un phénomène nouveau, mais le référent (légitime dans la recommandation) s'est déplacé vers l’individu et la lecture sociale prend de l’ampleur :  goodreaders, babelio, socialbooks, Copia, çajadore !

Pour les auteurs, c'est évidemment une opportunité de remettre en cause la chaine de valeur traditionnelle du livre.

3. Livre numérique: de l’opportunité de créer de nouveaux formats d’écriture

Nicolas Francannet  a présenté sa société Storylab qui innove de manière très intéressante sur le marché du livre numérique…  
Storylab produit des formats courts adaptés à des temps de lecture fractionnés:
è    Des séries littéraires (d’environ ¼ d’heure de lecture), des nouvelles, des novellas.
è    Des  formats à petits prix : la collection oneshot propose des titres à 0,99cts, soit 45 minutes de lecture. Le dernier titre en date est depuis 2 semaines en tête des ventes de l’ibookstore.
è    Des livres enrichis avec une interview vidéo de l’auteur, un extrait audio book lu par l’auteur, un volet communautaire,…
Storylab innove également avec son  ‘Laboratoire’. Dans le cadre de Paris en toutes lettres, une vingtaine de photos prises depuis un téléphone mobile ont été proposées à des auteurs qui ont écrit des micro-fictions (Collection Pickpocket). Ces photos ont fait l'objet d'une exposition au cours de laquelle les livres étaient téléchargeables sous format e-pub via des flashcodes. L'opération a été financée par la Fondation Lagardère et la Mairie de Paris.

Storylab propose une rémunération de 30% à ses auteurs. Créée il y a 18 mois, la société n'est pas encore rentable...

4. Un business model encore flou

Pierre Mounier du CLEO a tenté de répondre à la question du business model du livre numérique. Son intervention était passionnante, argumentée et pleine d’humour, mais je reste plus que circonspecte sur les modèles de financement amont d’un marché et le fait de considérer le subventionnement comme un business model. Mais pour les éditeurs 100% numérique, vu l'état du marché, c'est malheureusement le seul levier pour l'instant...

mardi 31 mai 2011

Livre numérique : comment maintenir un écosystème ouvert ?

Une synthèse subjective de la conférence EBG du 26/05 sur le livre numérique

La conférence a donné un bon aperçu de l’état de l’art du marché du livre numérique en France.

Un marché en naissance, aux volumes encore très faibles :

Le chiffres d’affaires du secteur est estimé à €4,5 milliards, le numérique n’en représente que 1%, voire moins. Sur le marché US, le chiffre de 3 millions d’e-books vendus en 2010 a été avancé, versus 10K sur le marché français. Cédric Naux (Bayard) alerte sur les limites d’une comparaison avec les US du fait des grandes distances et du peu de libraires sur ce marché… Mais pour Bruno Schmutz (iPSOS) l’instantanéité de l’accès (achat possible 24H/24H) est un des leviers majeurs de l’achat d’e-books qu’il y ait ou non une librairie physique à proximité.

Des scores de notoriété et d’usage en progression sur le livre numérique…

Bruno Schmutz (iPSOS) a présenté une synthèse des principaux résultats de l’étude menée avec le CNL puis Livres Hebdo sur le marché français.

-          Notoriété : 50 % mi-2009 ; 60 % début 2011

-          Usage : 4 % mi-2009, 8 % début 2011


Un marché conditionné par 3 facteurs de développement : le confort de lecture / la richesse du catalogue / le prix

-          Le confort de lecture est le 1er frein à l’usage numérique

Hervé Bienvault (Aldus conseil) cite une étude très intéressante de Miratech sur l’acquisition de connaissances sur un iPad versus le papier : 20% des utilisateurs mémorisent mieux un article sur support papier que sur iPad.

A la différence de la musique, la lecture est indissociable de l’objet avec lequel le lecteur a une relation sensorielle. L’amélioration de la qualité des écrans et l’arrivée du tactile ont fait progresser l’ergonomie qui devrait encore s’améliorer avec l’e-ink couleur (Epson, Fuji…).

-          La pauvreté du catalogue est le deuxième frein à date

Le catalogue numérisé est très limité pour l’instant (15- 20K). Le grand emprunt devrait permettre de numériser 500K titres du XXième siècle (cité par Aldus Conseil), mais certains éditeurs ont encore une part infime de leur fond numérisé…

-          Le prix : les clients attendent un prix de 40% inférieur au papier

Le prix n’est pas un frein actuellement car la majorité des titres numériques consommés (+ de 80%) le sont gratuitement ! L’attente des lecteurs est d’avoir un prix du livre numérique inférieur d’environ 40% au livre papier (équivalent du livre de poche). On en est encore loin car le prix moyen actuellement est de 12€- 13€.

-          Deux autres attentes à prendre en compte : le partage et la conservation

Les gros lecteurs n’achètent qu’une partie de leurs livres : le prêt d’amis joue un rôle important et doit pouvoir être réalisé sur support numérique.

De même, l’enjeu de conservation dans le temps est essentiel. Même si le format E-pub est celui qui semble émerger, un des enjeux sera de garantir la retro- compatibilité des formats. Suite à une question dans la salle sur ce sujet, Cédric Naux (Bayard) cite le drame d’Internet explorer 6 (sic !) qui générait des problèmes de rendu.

Bruno Schmutz (iPSOS) évoque un concept intéressant non testé dans l’étude mais qui pourrait présenter un intérêt pour le lecteur : une vente couplée d’un même ouvrage sur papier et en numérique (reste à voir si c’est financièrement tenable pour l’éditeur, c’est bien le problème des bundles...) Apparemment, des packages de ce type sont déjà proposés par la Librairie Dialogue ou l’éditeur Thomas Nelson aux US.


Le profil des early adopters de livres numériques… aux antipodes du profil de l’early adopter classique

Selon l’étude iPSOS : les early adopters sont les gros lecteurs qui lisent plus de 20 livres par an (20% des lecteurs au total.) Ce sont des femmes, CSP +, de 40-50 ans lisant en majorité des romans.

Ce profil est confirmé par Nicolas Saint Aubin (Sony) : les acheteurs de readers Sony lisent 2-3 livres par mois, ont entre 40-60 ans, avec une répartition équivalente hommes - femmes. 41% lisent tous les jours, 36% toutes les semaines, 30% continuent à lire sur papier

A mon avis, il est important de distinguer acheteurs de liseuses dédiées, versus smartphones et tablettes car les profils et les attentes vont fortement différer. Hervé Bienvault (Aldus conseil) cite d’ailleurs une analyse réalisée par Kobo segmentant le profil des lecteurs de livres numériques. A noter que cette analyse a été reprise dans un post très intéressant d’Hubert Guillaud sur son blog .


L’enjeu majeur pour les éditeurs sera de maintenir le lien avec le client final

Petit aparté: j’en suis personnellement persuadée : cela signifie passer d’une logique B2B à une logique B2C, d’une logique d’acquisition client à une logique de fidélisation, tout en développant une (voire des) marques fortes.

Cédric Naux a évoqué tout au long de la conférence, les enjeux auxquels Bayard est confronté :

-          Proposer une nouvelle expérience en numérique :

La version papier de J’aime Lire rassemble près de 2 millions de lecteurs par mois. En septembre/ octobre prochain, Bayard va lancer un store J’aime Lire en capitalisant sur l’expérience de Bayardkids.com. Tout l’enjeu est de repenser complètement la version numérique en adéquation avec ce nouveau support, de trouver des auteurs et illustrateurs disposés et aptes à le faire… et que ce soit viable économiquement.

-          Maintenir le lien avec le lecteur final

-          Recréer la rareté : par le biais de nouvelles écritures, des réseaux sociaux -> en donnant accès à l’univers de l’éditeur

A mon sens, toute la difficulté va être justement de savoir où « placer le curseur » entre les coûts de développement et de promotion nécessaires pour proposer une expérience client optimale et les perspectives de CA.

Guillaume Monteux (Milibris) cite l’exemple du Point qui est revenu à une solution industrielle et moins coûteuse que celle de départ pour le lancement de son application iPad.


La domination d’Apple/ Amazon semble inévitable….

Pour Jimmy Barens (Adobe) : l’enjeu est d’arriver à gérer l’excellence à 3 niveaux : la création, la diffusion, la monétisation des livres numériques (achat en un clic).

Pour Guillaume Monteux (Milibris), très peu d’acteurs sont en mesure de proposer une expérience globale : des ouvrages de qualité + un outil de lecture performant + un accès facile à des plateformes d’achat, le tout intégré sur des terminaux, ce qui suppose des relations fortes avec les constructeurs.

En tout logique, le marché sera donc dominé par Apple et Amazon. Pour Hervé Bienvault (Aldus Conseil), l’arrivée d’Amazon en France à la fin de l’année / début année prochaine est très probable.

Grande question… sans réponse : comment maintenir un écosystème ouvert face à ces mastodontes poussant des stratégies d'environnements fermés ("walled garden")?

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Autres points abordés pendant la conférence:

L’éternel débat piratage/ DRM

Adobe a fait de la pub pour sa DRM (payante, permettant le prêt sur 6 devices) et Milibris pour la sienne (gratuite co-développée avec Orange).

Hervé Bienvault (Aldus Conseil) souligne l’émergence d’un « mouvement anti-DRM » : abandon par Le petit Futé, Metailié, Diable Vauvert et cite un éditeur de Fantasy qui en baissant les prix et en supprimant toute DRM a réussi a recapter ses lecteurs.

Y-a-t-il une perspective d’accord sur la rémunération des auteurs?

Cité par Hervé Bienvault (Aldus Conseil) : sur le marché anglo-saxon les reversements sont de  25%-30% pour les auteurs voire 70% pour ceux qui contractualisent directement avec Amazon (cf exemple de Marc Lévy qui s’autodistribue)

Olivier Cousi, (GIDE LOYRETTE NOUEL) souligne que les éditeurs sur le marché US ont un périmètre de droit plus restreint qu’en France (pas de droit patrimonial sur l’œuvre).

Apparemment, les discussions en France convergeraient vers des reversements de 15% et des durées de contractualisation courtes (2-3 ans). C’est en tout cas la recommandation de la Société des gens de lettres sur leur site.

Quid de la pub ? heu… non merci…

Suite à l’initiative d’Amazon avec un Kindle à 114$ avec pub, se pose la question de l’intérêt de la publicité. Pour Jimmy Barens (Adobe), il y aurait un intérêt avec une analyse des usages/ de profiling en particulier dans le domaine de la presse.

Hervé Bienvault (Aldus Conseil) souligne le côté intrusifpour des perspectives de revenus quasi nulles avec un CPM à 0,5€ comme le glisse Cédric Naux (Bayard) .

Participants :

        BAYARD Jeunesse - Cédric Naux, Directeur du développement numérique

        GIDE LOYRETTE NOUEL - Olivier Cousi, Avocat associé

        SONY - Nicolas Saint Aubin, Product Manager Reader

        MILIBRIS - Guillaume Monteux, PDG

        ALDUS CONSEIL - Hervé Bienvault, Consultant indépendant / Membre de la comission "Economie Numérique" du CNL

        ADOBE SYSTEMS - Jimmy Barens, Directeur Avant-Vente Europe EMEA

        IPSOS MediaCT - Bruno Schmutz, Directeur Général

lundi 2 mai 2011

Mes coups de coeur d'avril avant qu'ils ne disparaissent de la rubrique en mai!

Once there was a girl, much like any other, whose head was filled with all the curiosities of the world….

  • Les installations vidéos de Andrea Wolf dont l'émouvant Little memories, inspiré par « Sans Soleil » de Chris Marker 
  • La revue "Le tigre", cocktail réussi de saugrenu + bizarre + côté désuet, bien résumé dans leur signature: "Un tas de gravats déversé au hasard: le plus bel ordre du monde" Héraclite. A quand l'appli pour iPad?

  • Les livres ciselés de Brian Dettmer découverts dans le très bon hors série de Courrier International : La vie en kit- un tour du monde en 60 tendances ... uniquement distribué en format papier !
The march of Democracy

dimanche 1 mai 2011

Comment faire (re)venir à la lecture les digital natives ? Prenez 15 minutes de votre temps pour écouter le TED Talk de Patrick Carman !

Patrick Carman, auteur américain de bestsellers pour enfants et adolescents, vient du jeu vidéo et des nouvelles technologies et développe depuis 2003 de nouvelles expériences de lecture.

Son public : les fameux digital natives. Ce n’est pas uniquement un terme marketing à la mode ! C’est une génération qui a été transformée psychologiquement et cognitivement par le numérique ! Pour rappel, l’institut BVA avait mené l’année dernière une brillante étude d’observation sur cette génération mutante. (cf le communiqué de presse très détaillé de l’étude GENE-TICS).

Comment faire (re) venir à la lecture des adolescents habitués à l’instantanéité, multi-tâches, impatients, dans la recherche permanente du plaisir et du jeu ?

Condensé en 15 minutes passionnantes, le TED Talk de Patrick Carman :


L'auteur revient avec un enthousiasme communicatif sur son expérience dans des collèges américains. La plupart des élèves regardent la télévision, surfent sur Internet, écoutent de la musique sur leur ipod, envoient des messages depuis leur mobile, jouent à des jeux vidéos….mais ne lisent pas ou plus. Ils passeraient près de 7H par jour sur ces nouveaux médias (11H si on analyse séparément les activités simultanées) sur un total de 15H par jour!

C’est en observant ces pratiques et en échangeant avec eux, que l’auteur a lancé de nouveaux formats de lecture pour ados: intrigues ludiques, récits séquencés combinant son / images/ vidéos, multipliant les allers -retours du papier à l'internet, ses livres sont vite devenus des bestsellers:

-         Skeleton creek : un livre papier où une adresse web est indiquée toutes les 20 pages. Elle renvoie vers une vidéo qui s’insère dans l’histoire. Au total, 200 pages papier pour 45 minutes de vidéos online. En France, Skeleton creek vient d'être lancé par Bayard, qui avait déjà diffusé en 2008 Cathy’s book, un livre hybride dans la même veine.... A suivre!

-         The 39 clues : une série de 10 livres papier écrits par 7 auteurs différents avec des cartes à collectionner qui renvoient vers un site internet où chaque lecteur participe à l'enquête.

-         En début d’année : 3:15, une application iPhone et Android (cf un article de Wired sur le sujet) qui invite l'utilisateur à
     1. Ecouter / 2. Lire / 3. Regarder une vidéo en 15 minutes maximum...

La conclusion du talk à laquelle j’adhère à 100% : la grande majorité des livres resteront édités dans un format traditionnel. Une part plus ou moins grande sera conçue dans des formats innovants et permettra de reconquérir de nouveaux lecteurs... et sur cette part là, tout reste à faire et c'est drôlement excitant!

mercredi 13 avril 2011

Le Livre enrichi est mort! Vive le livre enrichi!

Dans mon dernier post, tentative de définition d’un livre enrichi, j’annonçais le prochain : les difficultés, voire l’impasse en terme de distribution d’un livre enrichi sous forme applicative.

Evan Schnittman de Bloomsbury a alimenté un sacré buzz en annonçant ce lundi à la London Book Fair la mort du livre enrichi avec un slide affichant une pierre tombale :

Son point de vue, repris par Thebookseller.com : l’enrichissement a un avenir dans les livres éducatifs, mais il est voué à l’échec dans la non fiction. Les e-books qui performeront seront les bestsellers papier.

Je nuancerais ses propos car c’est bien dommage d’être si peu imaginatif:
  • Oui, les e-books qui performent le mieux sont et seront les bestsellers papier
  • Oui, c’est dans le domaine de l’éducation et des livres pratiques que le livre enrichi va se développer majoritairement 
  • Mais cela ne signifie pas que le livre enrichi dans le domaine narratif est mort- né !
Il y a une opportunité dans la non-fiction et avant tout dans la littérature jeunesse (mais pas seulement), pour des livres enrichis, pensés dès leur conception pour le format numérique. Ces livres qui restent à inventer adresseront les lecteurs traditionnels mais aussi de nouveaux lecteurs de la génération digitale.

Le risque d’échec tient plus dans le format actuel des livres enrichis et donc dans leur mode de distribution.

A date, aucun format standardisé ne permet de produire un livre véritablement enrichi.

Quelques éditeurs se lancent dans l’aventure en publiant des applications sur iPhone et iPad. Mais même si ces applications sont pour certaines très réussies, elles sont noyées dans le maëlstrom des stores. (345K applications sur l’appstore français d’après la dernière étude de userAdgents)

Pour émerger, elles n’ont d’autres choix qu’avoir la chance d’être sélectionnées par Apple (ce qui est rare et aléatoire). A défaut, il faudrait que les éditeurs orchestrent leur lancement pour leur assurer un minimum de notoriété (communiqués de presse, campagnes de marketing direct, cross-selling, …). Lors des journées Grandes Marques organisées par l’EBG en mars dernier, le budget minimum des annonceurs pour le lancement d’une application sur iPhone était de 50K€. Des coûts de communication qui ne pourront jamais être couverts par le chiffre d’affaires d’un livre - application… et qui n’ont d’ailleurs de sens dans l’édition que pour relayer une application ombrelle d’une marque forte (comme Disney... ).

Outre ce problème de notoriété, le livre-application distribué dans un store doit faire face à un problème de pricing. Il est en concurrence directe avec les applications de jeux dont le niveau de prix est très faible (le prix moyen d’une application dans l’appstore est de 1,92€).

Faibles volumes de vente à attendre sans budget de communication conséquent, faibles niveaux de prix, coûts de développement importants, pas de business model donc en l’état actuel des choses.

La condition de réussite du livre enrichi tient donc à l’apparition d’un format standardisé qui puisse être distribué via les bookstores (d’ici 2- 3 ans ?). Entretemps, saluons les initiatives des quelques éditeurs qui défrichent ces nouveaux territoires sans pouvoir espérer de retour sur investissement à court terme ! Le livre enrichi est mort sous sa forme applicative ! Vive le livre enrichi à venir !

mercredi 6 avril 2011

Mes coups de coeur de mars avant qu'ils ne disparaissent en avril!

  • L'iPad 1 : la seule différence avec le 2 c'est qu'il est juste moins fin, non? ;-)

  • The Unwanted Guest et The Pedlar lady deux très beaux contes pour iPad et iPhone mis en image par l'éditeur canadien Moving tales. Ce ne sont ni des vidéos, ni des CD ROMs, ni des livres 2D... Ce sont des livres enrichis comme j'aimerais en trouver plus sur iPad!

  • Le Simulacre du printemps au bec en l'air, belle rencontre artistique entre un photographe et une écrivain, tous deux fascinés par l'usage du monde de Nicolas Bouvier. Le premier a pris des photos de l'appartement de sa grand-mère, toujours en vie, la seconde a imaginé une nouvelle en lien avec les photos du premier. Très réussi! Il y a 9 titres dans cette collection "collatéral", je me suis retenue de tout acheter... A quand une version numérique?
  • Les rencontres de la SCAM au salon du livre : j'ai eu droit à un tête à tête de 20 minutes avec mon écrivain préféré! Devinez qui dans la liste:

    François Bégaudeau, Tahar Ben Jelloun, Sorj Chalandon, Catherine Clément, Régine Deforges, Irène Frain, Maylis de Kerangal, Véronique Ovaldé, Benoit Peeters, Daniel Picouly, Jean Rouaud, Leila Sebbar.

    Le concept est absolument génial, 20 minutes en tête à tête, sur un stand à l'écart de la foule, autour d'un café. Très étrange d'éprouver le même sentiment d'intimité en rencontrant l'auteur, que l'on avait éprouvé en lisant son livre.

lundi 4 avril 2011

Le livre enrichi n’est pas forcément un livre numérique, ni un jeu vidéo ni un livre dont vous êtes le héros ! Mais alors, kézako ?

Quand on parle de livre numérique, il est beaucoup question de livre enrichi. J’entends des avis assez tranchés, pour ou contre, mais de quoi parle-t-on exactement ? Il n’y a pas de livre enrichi au singulier, mais bien des livres enrichis avec des modes d’enrichissements différents plus ou moins adaptés en fonction des genres et des supports.

Le concept me fait rêver parce que j’ai toujours adoré les livres enrichis sur papier. Eh oui, on parle de livres enrichis en se référant à des livres numériques et on oublie un peu trop vite qu’il existe déjà des livres papier « enrichis ».

Enrichir : Rendre plus riche en ajoutant un élément nouveau qui augmente la valeur de l'ensemble.

Il y a déjà des livres papier :
  • Enrichis par l’image :
    • Les encyclopédies, les livres scolaires et pratiques, qui le sont par essence
    • Certains romans où des photos viennent donner une dimension supplémentaire, étrange, émouvante au récit sans être redondant ou déconstruire le fil de la lecture (j’adore les photos des romans de W.G. Sebald)
    • Enrichis par le fait qu’ils procurent une expérience visuelle / sensorielle et interactive : les livres à système qui existent vraiment depuis le XIX ème, les pop up pour enfants qui créent la surprise et sont souvent pleins de poésie, les livres de Bruno Munari que je collectionne, inclassables, feux d’artifice de couleurs, tout en découpages et transparences.
    • Enrichis par des annotations d’une série de lecteurs comme les marginalia dans les manuscrits du moyen âge, le social book avant l’heure !
    Le livre enrichi numérique, que ce soit un livre transposé du papier ou pensé spécifiquement pour le numérique, va forcément s’inscrire dans cette continuité avec des « modes d’enrichissement » différents en fonction des genres et des supports.

    Difficile de définir des « niveaux d’enrichissement », ci-dessous une modeste tentative…

    - 1. Le livre enrichi « DVD avec bonus » : on ne touche pas au livre qui est une copie pure et simple (non, je n’utiliserai pas le terme homothétique !) de son édition papier. Par contre, le lecteur a accès à des versions manuscrites, censurées, des photos de repérage de l’auteur…

      • Comme “Deliver Us From Evil", publié par Grand Central Publishing (Hachette) aux US et vendu à un prix supérieur à l’édition papier !
      • Intéressant pour des blockbusters pensés d’abord pour le papier, mais je doute que la faible valeur ajoutée justifie un différentiel de prix…
    - 2. Le livre enrichi « social » : intégration des commentaires, critiques, voire annotations des lecteurs. Le livre poursuit sa vie après sa conception par l’auteur…

    - 3. Le livre enrichi « page web » :
    ajout de vidéos, de photos, de liens hypertextes dans le texte
      • Comme Nixonland de Simon & Schuster
      • Parfait pour les livres scolaires, pratiques, historiques, de sciences & techniques, et certains romans si l’enrichissement est pensé par l’auteur dès la conception (comme chez Sebald…)

    - 4. Le livre enrichi « animé » : navigation en 2D, de page en page avec des boutons ou des zones interactives qui actionnent des animations, quelques effets visuels
      • Comme le magnifique « The Three Little Pigs »
      • Parfait pour les livres pratiques, les livres jeunesse, les plus réussis sont ceux qui arrivent à transposer la magie, les effets de surprise, la drôlerie et la poésie des pop up papier.
    - 5. Le livre enrichi « immersif » : musique, effets visuels, effet 3D, navigation qui peut sortir du "cadre"
      • Comme les superbes histoires de Moving tales ou l’encyclopédie Solar System de Faber & Faber
      • Idéal pour les livres pour enfants si l’éditeur évite l’écueil du jeu vidéo ; les guides touristiques avec géocalisation et réalité augmentée, les livres pratiques. Difficile à imaginer pour un roman sans basculer du côté du jeu vidéo
    - 6. Le livre enrichi « transmédia » : conception par un auteur d’un « ouvrage littéraire » sur plusieurs supports média en interagissant avec les lecteurs: site web, SMS, Facebook, Twitter
      • Comme Fanfan 2 d’Alexandre Jardin lancé en partenariat avec Orange
      • Nouvelle forme de roman épistolaire numérique et participatif? N’y a-t-il pas un risque de perdre le lecteur, à moins qu’il ne soit déjà féru de narration destructurée comme dans la Maison des feuilles ? Peut-on encore parler d’ouvrage littéraire quand son unité est remise en cause dans l’espace (narration éclatée entre plusieurs média) et dans le temps (œuvre évolutive, jamais figée par l’auteur)?
    Si les premiers concepts peuvent être implémentés sur smartphones et tablettes, les concepts les plus aboutis prennent vraiment leur sens sur tablettes uniquement.
    Les livres de non fiction et dans une moindre mesure de jeunesse formeront sûrement le gros du marché des livres enrichis à court terme… à nous de rêver à des romans et des œuvres littéraires conçus dès le départ pour s’intégrer sur un support numérique !

    Prochain billet : y-a-t-il un avenir pour le livre enrichi sous forme d’applications ? Comment émerger dans la multitude d'applications des stores? Sans éditorialisation? Face à des applications de jeux quasi gratuites ?

    dimanche 27 mars 2011

    Livre numérique : le nouveau Far West !


    Un compte rendu subjectif des conférences du dernier salon du Livre


    L’impression que j’ai eue au salon du Livre côté numérique, c’est d’être dans un nouveau Far West où tout reste à défricher! On connaît les shérifs : Amazon, Apple, Google, énormes bulldozers qui ont toutes les forces de leur côté sauf celle de savoir éditorialiser / animer une librairie en ligne (sauf Amazon ....) .

    Je n’ose pas comparer les libraires français on & offline aux indiens… Ceux qui participaient aux conférences sur la scène numérique m’ont semblé terrifiés mais lucides et ne seront certainement pas tous exterminés comme l’a été Borders sur le marché US (cité avec un effroi justifié par Jérome Dayre d’Atout Livre lors d’une conférence).

    Une des conditions, miser à fond sur la recommandation, les réseaux sociaux, le multi- canal et un prix du livre numérique bien en deçà du prix papier… sans pour autant casser les prix ou adopter un format propriétaire comme Amazon.

    En parallèle, des startup cow-boys apparaissent (Byook, Numeriklivres, Storylab, Walrus...) pleines d’énergie et d’enthousiasme, qui se positionnent sur le nouveau créneau de l’édition purement numérique. Y aura-t-il une voie pour eux sans accords avec les éditeurs traditionnels?

    Mais au fait, où sont-ils les éditeurs? Pas très diserts, ils travaillent en coulisse,  auraient plutôt intérêt à rester groupés même si certains ont choisi de faire cavalier seul (Hachette). Peut-être qu’ils sauront saisir l’opportunité d’adresser de nouveaux lecteurs au-delà des effets de cannibalisation :
    -       en baissant le prix du livre numérique (je reste dubitative sur les arguments avancés sur le manque de visibilité des coûts du numérique)
    -       en adoptant une approche segmentée en fonction des genres (scolaire, tourisme, jeunesse, romans) et des terminaux (tablettes, smartphones, liseuses) - point souligné par David Lacombled d'Orange
    -       en renonçant à toute DRM cryptée en faveur d’une DRM light comme le watermarking (Position de François Gèze de la Découverte et de Marie-Pierre Sangouard de la FNAC)
    -       en innnovant sur les livres enrichis (concept bien flou mais tellement excitant!) ou de nouveaux formats pas si nouveaux que ça comme les célèbres feuilletons du XIXieme, créneau revisité par un pure player comme Storylab.
    -       en proposant une fois que le catalogue sera suffisamment large de nouvelles formes tarifaires (comme l’abonnement)

    Le marché français du livre numérique va sans doute croître plus lentement qu'aux US, parmi les conditions de développement à court terme :
    -       un prix unique pour tous les distributeurs (François Gèze mentionnait la piste du contrat d’agence de mandat appliqué aux revendeurs étrangers sous réserve d'acceptation de Bruxelles)
    -       des négociations éditeurs/ auteurs qui aboutissent enfin
    -       une offre suffisamment large : pour l’instant il n’y a que 70 000 références soit 1% du marché total, avec des doublons et seulement 10-15K en format E-pub (Marc Leiba de l'Idate)
    -       une offre interopérable et donc standardisée (E-Pub semble être le format majoritaire mais avec un potentiel d’enrichissement limité)

    Le concept de livre enrichi reste encore à définir, à imaginer... et à distribuer ;-)!
    A noter une superbe démo d’un conte poétique pour iPhone de Célia Houdart (POL) présenté avec une passion communicative par Samuel Petit d’Actialuna.

    C'est moi ou on a assez peu parlé des lecteurs ????

    Quelques données marchés, citées lors des conférences:
    Effet de cannibalisation sur le marché US: 5% des 10% du marché de l’e-book avant tout sur le poche. Cité par Marc Leiba de l'Idate dont la présentation très riche devrait être bientôt publiée sur le site du CNL

    Principales ventes d’e-books (hors gratuit) :
    - Top de la Fnac : le policier Quai des Orfèvres, (faible niveau de prix), la collection Harlequin qui représente 50% des ventes Fnac Numérique (cité par Marie-Pierre Sangouard)
    - Top Numilog : policier, SF, sentimental, scientifique/ management + best sellers papier (cité par Denis Zwirn)

    Pénétration iPad/ Tablettes sur le marché français versus readers (cité par Pierre Geslot d’Orange):
    o   Les readers dédiés ciblent les gros lecteurs et devraient représenter à terme 30% du marché
    o    Versus 70% de tablettes ciblant de nouveaux lecteurs ou lecteurs occasionnels