lundi 4 avril 2011

Le livre enrichi n’est pas forcément un livre numérique, ni un jeu vidéo ni un livre dont vous êtes le héros ! Mais alors, kézako ?

Quand on parle de livre numérique, il est beaucoup question de livre enrichi. J’entends des avis assez tranchés, pour ou contre, mais de quoi parle-t-on exactement ? Il n’y a pas de livre enrichi au singulier, mais bien des livres enrichis avec des modes d’enrichissements différents plus ou moins adaptés en fonction des genres et des supports.

Le concept me fait rêver parce que j’ai toujours adoré les livres enrichis sur papier. Eh oui, on parle de livres enrichis en se référant à des livres numériques et on oublie un peu trop vite qu’il existe déjà des livres papier « enrichis ».

Enrichir : Rendre plus riche en ajoutant un élément nouveau qui augmente la valeur de l'ensemble.

Il y a déjà des livres papier :
  • Enrichis par l’image :
    • Les encyclopédies, les livres scolaires et pratiques, qui le sont par essence
    • Certains romans où des photos viennent donner une dimension supplémentaire, étrange, émouvante au récit sans être redondant ou déconstruire le fil de la lecture (j’adore les photos des romans de W.G. Sebald)
    • Enrichis par le fait qu’ils procurent une expérience visuelle / sensorielle et interactive : les livres à système qui existent vraiment depuis le XIX ème, les pop up pour enfants qui créent la surprise et sont souvent pleins de poésie, les livres de Bruno Munari que je collectionne, inclassables, feux d’artifice de couleurs, tout en découpages et transparences.
    • Enrichis par des annotations d’une série de lecteurs comme les marginalia dans les manuscrits du moyen âge, le social book avant l’heure !
    Le livre enrichi numérique, que ce soit un livre transposé du papier ou pensé spécifiquement pour le numérique, va forcément s’inscrire dans cette continuité avec des « modes d’enrichissement » différents en fonction des genres et des supports.

    Difficile de définir des « niveaux d’enrichissement », ci-dessous une modeste tentative…

    - 1. Le livre enrichi « DVD avec bonus » : on ne touche pas au livre qui est une copie pure et simple (non, je n’utiliserai pas le terme homothétique !) de son édition papier. Par contre, le lecteur a accès à des versions manuscrites, censurées, des photos de repérage de l’auteur…

      • Comme “Deliver Us From Evil", publié par Grand Central Publishing (Hachette) aux US et vendu à un prix supérieur à l’édition papier !
      • Intéressant pour des blockbusters pensés d’abord pour le papier, mais je doute que la faible valeur ajoutée justifie un différentiel de prix…
    - 2. Le livre enrichi « social » : intégration des commentaires, critiques, voire annotations des lecteurs. Le livre poursuit sa vie après sa conception par l’auteur…

    - 3. Le livre enrichi « page web » :
    ajout de vidéos, de photos, de liens hypertextes dans le texte
      • Comme Nixonland de Simon & Schuster
      • Parfait pour les livres scolaires, pratiques, historiques, de sciences & techniques, et certains romans si l’enrichissement est pensé par l’auteur dès la conception (comme chez Sebald…)

    - 4. Le livre enrichi « animé » : navigation en 2D, de page en page avec des boutons ou des zones interactives qui actionnent des animations, quelques effets visuels
      • Comme le magnifique « The Three Little Pigs »
      • Parfait pour les livres pratiques, les livres jeunesse, les plus réussis sont ceux qui arrivent à transposer la magie, les effets de surprise, la drôlerie et la poésie des pop up papier.
    - 5. Le livre enrichi « immersif » : musique, effets visuels, effet 3D, navigation qui peut sortir du "cadre"
      • Comme les superbes histoires de Moving tales ou l’encyclopédie Solar System de Faber & Faber
      • Idéal pour les livres pour enfants si l’éditeur évite l’écueil du jeu vidéo ; les guides touristiques avec géocalisation et réalité augmentée, les livres pratiques. Difficile à imaginer pour un roman sans basculer du côté du jeu vidéo
    - 6. Le livre enrichi « transmédia » : conception par un auteur d’un « ouvrage littéraire » sur plusieurs supports média en interagissant avec les lecteurs: site web, SMS, Facebook, Twitter
      • Comme Fanfan 2 d’Alexandre Jardin lancé en partenariat avec Orange
      • Nouvelle forme de roman épistolaire numérique et participatif? N’y a-t-il pas un risque de perdre le lecteur, à moins qu’il ne soit déjà féru de narration destructurée comme dans la Maison des feuilles ? Peut-on encore parler d’ouvrage littéraire quand son unité est remise en cause dans l’espace (narration éclatée entre plusieurs média) et dans le temps (œuvre évolutive, jamais figée par l’auteur)?
    Si les premiers concepts peuvent être implémentés sur smartphones et tablettes, les concepts les plus aboutis prennent vraiment leur sens sur tablettes uniquement.
    Les livres de non fiction et dans une moindre mesure de jeunesse formeront sûrement le gros du marché des livres enrichis à court terme… à nous de rêver à des romans et des œuvres littéraires conçus dès le départ pour s’intégrer sur un support numérique !

    Prochain billet : y-a-t-il un avenir pour le livre enrichi sous forme d’applications ? Comment émerger dans la multitude d'applications des stores? Sans éditorialisation? Face à des applications de jeux quasi gratuites ?

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